Redécouverte en Europe dans les années soixante, la stabilisation des sols à la chaux a largement été utilisée lors de la construction des infrastructures autoroutières et ferroviaires.
Début des années nonante, la technique est réapparue dans le monde des travaux publics belges avec l’arrivée du TGV.
Depuis lors, la culture environnementale et l’évolution de la législation ont favorisé le développement de nouvelles applications de cette technique, allant du traitement de déblais jusqu’au
recyclage en centrale des sols limoneux et argileux.
La Belgique ayant connu un programme d'investissement très intense en infrastructure routière dans les années 60/70, avait en quelque sorte perdu cette expérience durant les années 80. Par contre en France, le programme se poursuit encore actuellement par la construction d’autoroutes et de lignes ferroviaires à grande vitesse. Les compétences acquises depuis les années 60 ont pu être maintenues et enrichies.
Pour préserver ce savoir-faire et le transmettre aux nouveaux praticiens, les Français ont rassemblé leurs expériences de plusieurs dizaines d’années, en terrassements et traitement des sols :
les services du LCPC (Laboratoire Central des Ponts et Chaussées) et du Setra ont publié des documents qui font maintenant référence pour les grands travaux : le GTR (Guide Technique pour la
réalisation des Remblais et des Couches de forme) et le GTS (Guide Technique pour le traitement des Sols à la chaux et aux liants hydrauliques).
Nombreux sont ceux à s’en inspirer. Citons, entre autres, la s.a. Tuc Rail, bureau chargé de l’étude et du suivi de la réalisation du projet "lignes à grande vitesse en Belgique", qui a retenu
ces mêmes documents comme guides pour la réalisation des terrassements.
Les défis du réseau belge
Ouvrage lancé en août 1993, le Train à Grande Vitesse circulera en Belgique en 2006, reliant Bruxelles à Amsterdam, Cologne et Paris.
D’une longueur totale de plus de 300 km, le réseau du Train à Grande Vitesse comptera environ 200 km de lignes nouvelles sur lesquelles le train pourra atteindre 300 km/h. Construire 200 km de
nouvelles voies en respectant les délais d’exécution dans un pays au climat incertain comme la Belgique nécessitait d’adopter une technique qui permette la mise en œuvre de sols fins, plastiques
et humides.
La réponse a été trouvée dans la technique du traitement des sols à la chaux.
L’application pratique du traitement est illustrée en décrivant le cas du projet 5375 actuellement en cours.
Le projet 5375 : tronçon Ayeneux-José
Les trains en provenance de Liège vers l’Allemagne empruntent le tunnel de Soumagne et rejoignent à hauteur de Herve l’autoroute E40 pour la longer jusqu’à Aix la Chapelle. Entre le tunnel et
l’autoroute, 4,3 km de nouvelle ligne sont en construction. Ce projet 5375 traverse la commune de Soumagne et la ville de Herve.
Ce nouveau tronçon doit percer cinq butes et passer au-dessus de six vallons, engendrant le terrassement de presque 1.000.000 m3 de terres. La traversée des butes se fait en tranchées couvertes,
les vallons en remblais. Après la réalisation du génie civil (par murs emboués et pieux sécants), les tranchées couvertes seront recouvertes de terres végétales, et rendues à l’agriculture.
Les terrassements sont organisés de façon à ce que les limons, réputés pour leur qualité et réactivité à la chaux, soient gardés pour réaliser la partie supérieure des terrassements. Afin
d’assurer une bonne stabilité des voies dans une zone d’alternance de dalles sur sol (radier des tranchées couvertes) et de zones de remblais, il a été jugé préférable de remplacer la structure
couche de forme / sous-couche sur les remblais par une dalle en béton sur sol. Le ballast pour sa part sera directement posé sur les dalles. Cette décision a également été confortée par le risque
de dégâts miniers.
Comme pour l’ensemble des chantiers gérés par s.a. Tuc Rail, les GTR et GTS sont les documents de référence pour les terrassements et pour le traitement des sols à la chaux. Avant de rédiger le
cahier spécial des charges, la s.a. Tuc Rail a fait identifier la nature des sols qui allaient être rencontrés. Les essais de reconnaissance ont révélé des terrains assez hétérogènes, composés de
: 200.000 m3 de limon, 300.000 m3 d’argile à silex (formation Gulpen) et de smectite (formation de Vaals), 350.000 m3 de schiste et 150.000 m3 de terre végétale.
En complément à la campagne de reconnaissance préliminaire, l’entreprise adjudicatrice (Betonac) a procédé à des tranchées de reconnaissance avec prises d’échantillons tous les 50 cm de
profondeur. L’étude de qualification des sols a démontré la présence de limon en quantité suffisante, parfaitement adapté à un traitement à la chaux. Ceci a été confirmé par l’étude de
formulation qui est représentée dans les graphiques Proctor et IPI. En visant une portance immédiate (IPI) de min. 10, nécessaire à une bonne traficabilité des engins de chantier, le laboratoire
a établi une grille de décision donnant le dosage en chaux nécessaire en fonction de la teneur naturelle en eau du sol en place.
Une fois les terrassements finalisés, ceux-ci seront prêts à recevoir les dalles d’assise, le ballast, les traverses et les rails de la structure ferroviaire.
Les étapes d’un chantier de traitement des sols
Les prescriptions concernant le traitement des sols demandent une attention particulière lors des différentes étapes du chantier :
1. Avant le lancement du marché :
• Identification des gisements locaux
• essais de reconnaissance
• évaluation de la réutilisation des sols
• estimation des volumes (documents d’adjudication)
2. Après adjudication, préparation des terrassements et étude de chaque famille de sols :
• Etude de qualification : nature du sol par sa granulométrie & plasticité et l’état hydrique du sol par son humidité et sa courbe proctor.
• Etude de formulation : sur les sols ayant besoin d’un traitement (état trop humide ou plastique), une étude de traitement est entamée : essais proctor et de portance à différentes humidités et
différents dosages en chaux.
3. Validation des valeurs obtenues dans le laboratoire par l’exécution de planches d’essais. Avec le matériel dont dispose l’entreprise (ou son sous-traitant), le sol en place de différentes
teneurs en eau est traité à différents dosages.
4. Pendant le traitement, des échantillons des sols traités et non traités sont régulièrement pris pour mesurer les teneurs en eau et les portances. Sur base de ces données, le dosage en chaux
est optimisé.
5. Contrôle de l’exécution : contrôle du dosage de chaux épandue, vérification de la compacité (directement par gamma densimètre ou indirectement en contrôlant l’énergie de compactage utilisée)
et vérification des caractéristiques du remblai fini et sa portance (par des essais à la plaque ou par sonde de battage).
Objet du traitement : interaction chaux-argile
Lors du traitement d’un sol cohésif humide à la chaux aérienne, deux réactions directes distinctes se produisent avec les minéraux argileux:
• La chaux va réagir avec l’eau en libérant une chaleur importante. Cette action réduit de façon importante la teneur en eau du sol.
• La chaux réagit avec les minéraux argileux pour former des grumeaux stables. A partir de ce moment, le sol aura un aspect plus sableux.
A long terme, la chaux réagit avec les argiles améliorant les caractéristiques du remblai.
Les avantages de l’amélioration immédiate à la chaux sont donc les suivants :
• facilité accrue de circulation sur le chantier ;
• accélération des travaux de terrassement ;
• amélioration du compactage ;
• poursuite des travaux pendant un plus grand nombre de jours par an.
Le traitement en pratique
Le traitement des sols à la chaux permet de tirer parti des sols qui, dans leur état naturel, ne peuvent être utilisés (difficultés de réaliser des travaux de terrassement, problèmes de
circulation des engins, difficulté d’obtention d’une compacité suffisante) et évite le recours à des solutions coûteuses telles que l’évacuation de terres excavées et l’apport de matériaux de
remplacement.
Les différentes étapes lors d’un traitement sont :
1. Livraison de la chaux sur chantier par camion citerne ;
2. Epandage de la quantité de chaux correspondant au dosage visé et à l’épaisseur de matériau à traiter ;
3. Malaxage du volume de terre à traiter : peut se faire à l’aide de matériel simple tel que des charrues à socs ou à disques, ou par du matériel plus performant comme le pulvimixer. Le but est
d’obtenir une mouture présentant de visu un aspect homogène ;
4. Compactage du mélange jusqu’à la densité voulue ;
5. Nivellement et profilage de la couche traitée.