Le C.S.T.C. a mené en 98-99 un vaste programme de recherches concernant la typologie et les procédures de restauration des murs extérieurs.
Comme une part non négligeable de notre patrimoine culturel est constituée d'immeubles en maçonnerie dont les parements se composent d'un enduit et/ou d'une peinture, un volet important de la
recherche était consacré à ce type de finition.
Nous souhaitons ici plus précisément nous attacher à mettre en évidence les résultats relatés concernant les enduits et peintures à la chaux aérienne.
Le programme d'essai, les systèmes étudiés
Quatre types d'enduits de composition et de caractéristiques très différentes ont été testés. Parmi eux, un enduit dit "traditionnel" incorporant la chaux aérienne dans sa composition(selon la
définition renseignée dans l'article précité, un enduit "traditionnel" est composé de chaux aérienne, de chaux hydraulique, de ciment gris, de sable roulé et d'adjuvants).
Quant aux autres : un enduit au ciment, un enduit de finition à la chaux hydraulique et un mortier à deux composants utilisé pour la restauration de pierres naturelles.
Six systèmes de peinture ont été appliqués lors de ces tests. Deux d'entre eux comportent de la chaux aérienne, il s'agit :
- d’une part d'un mélange "simple" de chaux aérienne et d'eau sans autre additif, appelé aussi "badigeon de chaux" ou "peinture à la chaux" ;
- d'autre part de la même composition (eau + chaux aérienne) plus de l'huile de lin fréquemment utilisée jadis comme additif dans les peintures à la chaux.
Les essais réalisés
Les systèmes de peinture ont été appliqués sur les enduits un mois après la mise en œuvre de ces derniers et les essais de caractérisation ont débuté après une période de séchage de min. 1 mois
des peintures.
Les caractérisations ont porté sur les enduits seuls, les peintures seules et enfin, sur les différentes combinaisons enduits/peinture.
Plusieurs variables ont été quantifiées, visant à apprécier la tenue des divers enduits et peintures soumis à différentes sollicitations : humidité, rayons U.V., gel, dioxyde de soufre, …
Propriétés des enduits
Après 28 jours de séchage, l'enduit contenant de la chaux aérienne montre une très bonne résistance à la flexion, et à la compression et enfin, un module d'élasticité relativement élevé.
Suivant le test d'adhérence sur béton, l'enduit traditionnel avec un point de rupture à 0,55 N/mm2 vient en tête quant à la performance après 6 mois de vieillissement naturel à 20°C et 50 %
d’humidité relative.
La cohésion interne est plus élevée en général que les résultats en test d'adhérence, et s'améliore encore lors du vieillissement accéléré.
Propriétés des systèmes de peinture
La perméabilité à la vapeur d'eau et de la combinaison enduit chaux aérienne + peinture à la chaux est très bonne. De la même manière, l'absorption d'eau est importante.
Les modifications d'aspect visuel lors de l'exposition aux U.V. sont appréciées en termes de couleur, brillance et farinage.
En ce qui concerne la couleur, la peinture à la chaux aérienne n'a pas subi de décoloration du fait de l'exposition aux U.V. Par contre, l'incorporation d'huile de lin a induit une modification
(par ailleurs bien connue) qui va dans le sens d'un blanchissement ou d'un jaunissement suivant les situations d'exposition.
Suivant le critère de brillance, les peintures à la chaux aérienne avec et sans huile de lin sont au départ classifiées comme "mates". Après vieillissement, cette caractéristique n'a pas varié de
manière perceptible.
Le farinage qui détermine la dégradation du liant est important pour les peintures à la chaux seule, ainsi que pour celle additionnée d'huile de lin.
La peinture à la chaux aérienne ne présente aucune altération du fait d'une exposition prolongée à une atmosphère chargée en dioxyde de soufre (milieu industriel ou urbain). Par contre, la
peinture à la chaux avec huile de lin présente une modification d'aspect dans ces conditions.
La tenue du badigeon de chaux avec ou sans huile de lin peut être considérée comme bonne à très bonne lors du test à la chaleur et humidité (« «tropical test »).
Dégâts consécutifs aux chocs thermiques et cycles gel-dégel :
sur tous les types d'enduit : les chocs thermiques ont provoqué un jaunissement de la peinture à la chaux avec huile de lin. Un léger poudroiement est observé dans le cas du badigeon de chaux
aérienne seule.
- les cycles gel-dégel qui ont succédé aux chocs thermiques n'ont révélé aucune dégradation de l'enduit ou de la peinture pour les combinaisons enduit à la chaux/peinture à la chaux.
- sur enduit de ciment, aucune dégradation particulière des couleurs à la chaux n'est signalée.
Sur mortier de restauration de pierre naturelle, la peinture à la chaux n'accroche pas, elle est délavée.
Tant la cohésion des enduits non peints que leur adhérence au support se sont révélés bonnes à très bonnes. Toutefois, après les tests gel-dégel, on constate une chute importante de l'adhérence
sur support de l'enduit traditionnel.
Après les mêmes cycles gel-dégel, la peinture à la chaux conserve une adhérence/cohésion qualifiée "assez bonne" sur les différents enduits (sauf le mortier de restauration) ne subissant ainsi
pas de réduction significative de performance.
Dans les mêmes conditions, la peinture à la chaux avec huile de lin donne d’assez bons résultats. Attention : sur l'enduit traditionnel contenant de la chaux aérienne et sur un mortier de
restauration, la tenue après cycles gel-dégel est médiocre.
Compatibilité avec les "anciens" systèmes de peinture : certaines façades historiques comportent encore d'anciennes couches de peintures, à base de chaux le plus souvent. Ces peintures sont
souvent incompatibles avec d'autres systèmes de peinture qui finissent par peler. A noter enfin que l'adhérence d'une peinture à la chaux n'est pas toujours garantie non plus.
Conclusions
Les essais de caractérisation menés grâce à cette recherche du CSTC ont montré que par rapport aux enduits "modernes", les enduits et peintures contenant de la chaux aérienne présentent des
qualités comparables, voire meilleures, principalement en termes de résistance aux UV, à la flexion et à la compression, et en termes de perméabilité.
Il leur est surtout reproché une adhérence plus limitée qui les rend plus vulnérables aux intempéries.
Ndlr
Nos anciens connaissaient cette dernière "faiblesse" et prévoyaient une protection des façades exposées, du type débordement de toitures, bandeaux ou encore soubassements. Ces recommandations
sont toujours d'usage à l'heure actuelle.
Notons enfin que les formulations actuelles de peintures à la chaux comportent des additifs organiques qui renforcent l'accroche de la matière minérale sur le support.