Sensibilité à l’eau de l’asphalte - Méthode d’essai – recherches récentes

La résistance d’un revêtement routier bitumeux est un concept très vaste, mais néanmoins, il est la plupart du temps interprété comme signifiant le maintien des prestations des mélanges d’asphalte en fonction du temps. Bien qu’il soit admis qu’un certain nombre de facteurs contribuent à la résistance du mélange d’asphalte, l’interaction liant-agrégat a été identifiée comme l’un des principaux facteurs de durabilité.


En effet, une adhésion insuffisante au sein du mélange a pour effet une détérioration rapide du revêtement sous l’influence de la charge du trafic (par exemple plumage). L’adhésion n’est pas seulement fonction des caractéristiques du matériau, elle varie également dans le temps sous l’influence des circonstances externes. L’eau constitue ici un facteur crucial, qui peut compromettre l’interaction entre le liant et l’agrégat, et ainsi amorcer la dégradation du mélange d’asphalte.


Méthode d’essai


La norme européenne NBN EN 12697-12 « Mélanges bitumineux - Méthodes d'essai pour mélange hydrocarboné à chaud – partie 12 : Détermination de la sensibilité à l'eau des éprouvettes bitumineuses, combinée avec la NBN EN 12697-23 « Mélanges bitumineux : méthodes d'essai pour enrobés à chaud. Partie 23 :   détermination de la résistance à la traction indirecte des éprouvettes bitumineuses », constitue actuellement la base d’une méthode d’essai pour la détermination de l’effet de la saturation et du conditionnement dans l’eau sur la résistance à la traction indirecte d’éprouvettes cylindriques d’asphalte et, par conséquent, de la sensibilité à des enrobés bitumineux. Cette méthode offre donc la possibilité d’étudier l’impact possible des choix de matériaux et/ou de conceptions de mélanges sur la sensibilité à l’eau de mélanges d’asphalte.


Figures 1a et b Dispositif d’essai pour la
détermination de la résistance à la traction indirecte
 
Pendant l’essai, une force diamétrale est exercée sur une éprouvette cylindrique jusqu’à ce qu’une rupture se produise et ce à une vitesse de charge de 50 mm/min (fig. 1a, b). La série de six éprouvettes requises peut ici être préparée en laboratoire par compacteur giratoire, de plaque ou par impact (compactage Marshall) ou peuvent provenir du revêtement routier (carottes). Néanmoins, elles doivent toujours présenter un diamètre de 100 mm et une épaisseur entre 35 et 75 mm. Conformément à la norme européenne 13108-20. « Mélanges bitumineux. - Spécification des matériaux. - Partie 20 : épreuve de formulation », l’essai de résistance à la traction indirecte est toujours effectué à 15 °C.

Figure 2 : Conditionnement accéléré des éprouvettes d’asphalte à 40 °C pendant 72 h.
 
En outre, trois des six éprouvettes d’asphalte sont soumises à une influence accélérée de l’eau à 40 °C pendant 72 h (figure 2) et ce après saturation des spécimens testés à une décompression de 6,7 kPa ou 50 mm Hg (figure 3). La répartition de la série de six éprouvettes en deux sous-ensembles de trois se fait après classement des spécimens sur la base de la masse volumique apparente de chaque éprouvette. Ceci permet d’obtenir deux sous-ensembles caractérisés par une teneur en vides similaire. Il est en effet considéré que la teneur en vides influence dans une mesure importante l’exposition des éprouvettes d’asphalte à l’eau, et, par conséquent, détermine la sensibilité à l’eau du mélange d’asphalte.
     

Figure 3 : Saturation à l’eau des éprouvettes à 6,7 kPa précédant le conditionnement dans l’eau.
 
Le rapport des résistances à la traction (moyenne des trois éprouvettes) déterminée après et avant le conditionnement (exprimée en %) constitue une mesure de la sensibilité à l’eau ou du rapport des résistances à la traction indirecte (« Indirect Tensile Strength Ratio », en abrégé ITSR) désigné parfois par le terme « retained ITS » (figure 4).


Cahier des charges


Récemment, il a été décidé d’intégrer cet essai d’efficacité dans le nouveau cahier des charges 250 (version 2.1, 2006) pour tester la sensibilité à l’eau de tous les types d’asphalte au cours de l’étude de faisabilité et d’y associer également ces exigences. Actuellement, pour les couches de roulement, une valeur ITSR de > 70 % est exigée, et ce indépendamment de la classe de construction. Comme la sensibilité à l’eau peut être considérée comme moins critique pour les couches de liaison, une valeur ITSR > 60 % est exigée.


Compte tenu des connaissances récemment acquises concernant le test de sensibilité à l’eau, le cahier des charges 250 fera l’objet d’un certain nombre de modifications.


L’exigence concernant la valeur ITSR sera revue à la hausse, aussi bien pour la couche de roulement (> 80  %) que pour la couche de liaison (> 70  %). En outre, vu l’importance du rôle joué par la teneur en vides sur le résultat des essais, et par conséquent, du mode de compactage lors de la préparation des éprouvettes, il sera exigé que le compactage soit effectué selon la méthode C.1.1 (Confection d'éprouvettes par compacteur à impact selon NBN EN 12697-30, 2 x 25 coups) ou selon C.1.5 (Confection d'éprouvettes à la presse à compactage giratoire selon NBN EN 12697-31), tel que précisé dans le tableau C.1 de la norme NBN EN 13108-20.


Dans l’avenir, des spécifications similaires seront reprises dans les cahiers des charges RW99 et TB2000, applicables dans les Régions wallonne et Bruxelles-Capitale respectivement.  


La recherche récente


Le CRR a effectué ces dernières années de nombreuses études sur la sensibilité à l’eau des mélanges asphaltiques. Dans ce contexte, le CRR a rassemblé pas mal d’expériences concernant l’application de la méthode d’essai NBN EN 12697-12. L’attention a porté sur les aspects suivants :


L’exécution d’un programme inter-laboratoires afin de recueillir des expériences concernant la répétabilité et reproductibilité de la méthode d’essai. L’évaluation de l’influence de la composition du mélange, surtout en ce qui concerne les enrobés à module élevé (EME) et les enrobés à squelette pierreux tels que les SMA. Dans le contexte du groupe de travail BAC-2 «Propriétés des fillers», une attention particulière a été consacrée à l’impact éventuel de la nature du filler (p.ex. modification au moyen de chaux hydratée) sur la sensibilité à l’eau des enrobés SMA.


Le pouvoir discriminatif de l’essai de résistance à la traction indirecte a été validé au moyen d’un enrobé SMA « critique » (en collaboration avec la Haute école Artesis d’Anvers). Influence de la méthode de compactage sur le résultat de l’essai de sensibilité à l’eau. Néanmoins, dans une optique d’utilisation et/ou d’applicabilité de cet essai (définition d’exigences de cahier des charges) pour l’évaluation du risque de plumage dans les enrobés à matrice de pierre (SMA), et pas seulement pour la sensibilité à l’eau, il est indispensable de valider les résultats sur la base d’observations in situ. Dans ce contexte, une étude de durabilité est en cours en collaboration avec l’Agence routes et circulation du Département de la mobilité et des travaux publics de la Région flamande, au cours de laquelle les performances in situ de mélanges SMA sont observées dans le cadre d’une campagne de suivi de différents chantiers.


Stefan Vansteenkiste
www.brrc.be
 

Partagez cet article !