L’ajout de chaux hydratée dans les enrobés bitumineux

L’ajout de chaux hydratée dans les enrobés bitumineux est une pratique qui a fait ses preuves à travers les années et les continents.


Introduction


Au début des années 60 la chaux a été perçue, en Europe, comme un agent d’adhésivité dans le domaine des matériaux hydrocarbonés. Tous étaient unanimes pour affirmer que ce procédé permettait d’améliorer l’adhésivité et donc la tenue au désenrobage des mélanges bitumineux.


(NDLR : Le désenrobage est dû au manque d’adhésion pouvant exister entre la surface de l’agrégat et le bitume en présence d’eau. Ce phénomène se mesure par un essai de sensibilité à l’eau également décrit dans ce Chaux Flash.)


Son utilisation à pratiquement disparu au cours de ces dernières années.


A l’inverse, aux Etats-Unis, on assiste à un suivi et à une perpétuelle évolution sur le sujet.
Il apparaît que la chaux hydratée ne se comporte pas seulement comme un agent d’adhésivité, mais comme un agent multifonctionnel, dont le comportement se ressent sur les caractéristiques mécaniques de l’enrobé. Cette technique concerne aujourd’hui plus de 15% de la production d’enrobés et de nouvelles études ont permis d’arriver à une optimisation de la teneur en chaux à ajouter dans le mélange.


La chaux et les enrobés


Aux Etats-Unis le produit était déjà mentionné en tant que filler minéral dans les premiers brevets relatifs à la construction routière (« Warrrenite » vers 1910 et «Amiesite » vers 1920).
Comparé à la plupart des autres fillers, il était reconnu, que la chaux avec sa surface spécifique élevée et sa finesse, entraînait un accroissement non négligeable de la rigidité du mastic en plus d’avoir des propriétés d’agent adhésif. 


C’est d’ailleurs cette seconde propriété qui va dans un premier temps réellement intéresser les spécialistes, ceux-ci réalisent alors l’importance dans un mélange hydrocarboné de la tenue à l’eau et de ce que peut apporter la chaux contrairement aux fillers courants dans la liaison bitume-granulats.


A la fin des années 60, lors d’une grande campagne de recherche sur le désenrobage, on a constaté que sur les prélèvements d’enrobés réalisés, la chaux hydratée en plus d’améliorer la tenue à l’eau avait aussi amélioré la tenue au vieillissement des bitumes.


Les résultats de plusieurs études en laboratoire, confirmés par de nombreuses observations sur sites, ont, par la suite, démontré l’aptitude de la chaux à s’opposer au phénomène de durcissement. On a bien soupçonné une action de la chaux sur certains constituants des bitumes responsables du durcissement par vieillissement, mais sans en établir clairement les mécanismes.


Depuis les années 2000 la chaux hydratée est préconisée dans plus de 15 états, principalement dans l’Ouest et le Sud-Ouest des Etats-Unis et le dosage est de l’ordre de 1% à 2% en poids par rapport à l’ensemble des agrégats.


En Europe, le procédé est connu, mais depuis les années soixante la pratique s’est plus ou moins perdue. Comme aux Etats Unis, il est reconnu que la qualité principale de la chaux dans un mélange hydrocarboné est l’amélioration de l’adhésivité bitume-granulats.


Avec l’apparition des formules d’enrobés fortement discontinu de type BBTM, BBUM ou BBDr, la chaux est revenue sur le devant de la scène européenne pour palier au problème de « soupe » ou occasionnellement augmenter la viscosité du mastic de ces enrobés poreux.


Depuis une dizaine d’années, les Pays-Bas préconisent l’utilisation systématique de la chaux hydratée dans les formules d’enrobés drainants pour améliorer la tenue au désenrobage.
De même, le Danemark ayant constaté une augmentation de la longévité de certains enrobés de l’ordre de 20 % préconise aussi l’utilisation de ce produit dans certains de ses enrobés.


Enfin en Belgique une expérimentation a été réalisée sur la N975 et la N5 avec un suivi du CRR sur des enrobés drainants, utilisant un bitume 80/100 de référence. Lors de ces essais, une partie des enrobés  avait été réalisée avec de la chaux hydratée dans le mélange minéral.
Une dizaine d’années après la mise en œuvre, il avait été constaté que les sections avec chaux au dosage de 1.5 % offraient un aspect général identique à celui des sections en bitume polymères (SBS, EVA et bitume caoutchouc).


En France l’ensemble des marchés de travaux du groupe SANEF (réseau SAPN et SANEF soit un réseau total de plus de 1800 km) imposent depuis 2003, pour toutes les couches de roulement, l’ajout de 1% minimum de chaux dans la masse totale des granulats (dosé dans le filler d’apport).


Suite à une récente étude américaine réalisée par l’université Lincoln du Nebraska datant de février 2008, il est même envisager de passer, dans les prochains marchés, à un dosage optimal de 1.5 % de chaux dans le filler. Il est indéniable que depuis les premières utilisations de la chaux dans les enrobés drainants sur notre réseau (il y a plus de 15 ans), il a été fait le même constat qu’au Danemark concernant l’augmentation de la longévité de nos couches de roulement soumises à de forts trafics et ayant utilisés de la chaux hydratée dans le mélange hydrocarboné.


Conclusions


Les innombrables études réalisées aux Etats-Unis et en Europe pour caractériser l’action de la chaux hydratée sur les matériaux hydrocarbonés convergent toutes vers les mêmes conclusions.


Parce qu’elle réagit à la fois avec le granulat et le bitume, la chaux hydratée modifie, de manière plus ou moins prononcée selon la nature des composants, le comportement global des mélanges bitumineux. Ce constat validé par des observations en vraie grandeur, se traduit par :

    • une amélioration de la tenue au désenrobage
    • une résistance à l’orniérage accrue
    • une plus grande souplesse à basse température
    • une meilleure tenue au vieillissement

On peut donc aujourd’hui évoquer un rôle d’agent modifiant multifonctionnel, qui dépasse le simple phénomène de l’amélioration de l’adhésivité bitume-
granulats, et ce à des dosages relative-ment faibles de l’ordre de 1% à 2% de chaux par rapport à la masse globale des agrégats dans le mélange.


Christophe Mabille
www.sapn.fr

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